E.
Jehin (ESO)
La
découverte d'un observatoire a toujours quelque chose de fascinant.
On a tous à l'esprit des images de coupoles brillantes se découpant
sur un ciel bleu dans des décors souvent extrêmes. Le nouvel
observatoire de l'ESO, situé dans une des régions les
plus arides du globe, ne déroge pas à la tradition. Dans
ce qui suit, je présente certains aspects de la vie " de tous
les jours " à l'observatoire et vous fais partager quelques-unes
de mes impressions.
Précisons d'abord que les astronomes ne vivent pas continuellement
sur place. Des tournantes d'une durée de 8 à 14 jours
sont organisées, l'astronome habitant et passant plus de la moitié
de son temps dans la capitale, Santiago, où se trouvent les bureaux
administratifs et scientifiques de l'ESO.
La première journée débute donc par un voyage qui
commence au petit matin à l'aéroport national de Santiago
et se termine à l'observatoire en début d'après-midi.
Un vol de deux heures au-dessus des côtes chiliennes, avec à
l'ouest l'océan Pacifique et à l'est la chaîne des
Andes, permet de rejoindre Antofagasta, capitale des mines de cuivre.
Le reste du voyage se fera dans un car affrété par l'ESO
qui chargera également à l'aéroport et à
Antofagasta les ingénieurs, informaticiens, techniciens, le personnel
administratif, etc. prenant leur " tour de ronde ". Cette partie du
voyage est la plus fatigante car une bonne centaine de kilomètres
est parcourue sur une piste poussiéreuse en plein désert,
sous un soleil de plomb. Le décor est très monotone ;
à de petites collines grises succèdent d'autres collines
de couleur ocre, avec, par endroits, de vastes champs de pierres. Seul
le croisement de rares gros camions des mines environnantes vient troubler
le sommeil agité de la relève.
Enfin commence l'ascension du mont Paranal. Au détour d'un virage,
les coupoles si particulières du VLT font leur apparition. Juchées
au sommet de la montagne étêtée, leurs contours
anguleux aux reflets métalliques, plongés dans un environnement
aux dominantes brun-rouge, pourraient faire croire, un moment, qu'il
s'agit d'une base spatiale sur la planète Mars.
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Le
VLT est installé au sommet du mont Paranal
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Le
camp de base
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Après
vérification des identités à l'entrée du
domaine, on arrive au " camp de base ", sorte de petit village constitué
d'une centaine de containers blancs de toutes tailles. Ils sont alignés
et forment des rues aux noms évocateurs comme " la rue de la
soif ".
La plupart ont été aménagés en chambres
rudimentaires plus ou moins bien insonorisées et en bureaux administratifs
en attendant que la " Résidencia ", l'hôtel confortable
qui hébergera le personnel de l'observatoire à partir
du mois de septembre, soit terminée. D'architecture tout à
fait étonnante, cette dernière fait penser à une
forteresse Inca lovée au cœur de la montagne et sera surmontée
d'un dôme transparent.
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La
" Résidencia " en construction
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On
trouve également dans ce " village " une cantine, un centre de
soins, un petit " cinéma ", une salle de sport et de détente
avec télévision et bibliothèque, un terrain de
football, des ateliers, etc. Bref, il règne à Paranal
une vie que l'on peut caractériser, malgré l'éloignement
de la civilisation, de plus ou moins " normale ", pour la centaine de
résidents.
Après un repas frugal et échange d'informations avec les
collègues qui " redescendent ", il est temps de prendre la direction
du sommet après s'être auparavant équipé
du petit matériel nécessaire : carte d'accès, lunettes
de soleil, lampe torche pour la nuit, chaussures et veste adéquates.
Le sommet étant situé à environ 3 km, chaque team
dispose de ses voitures. Les astronomes appartiennent au groupe " Science
Operations ", et sont répartis en deux équipes : une de
jour, responsable de l'accueil des astronomes visiteurs, de la réalisation
et de la vérification des calibrations, de la préparation
des instruments pour la nuit et une équipe de nuit, qui réalise
les observations proprement dites sous la direction de l'astronome visiteur
ou, et ce dans plus de la moitié des cas, en mode dit de " service
". Un peu comme le télescope spatial Hubble, ce sont les astronomes
de l'observatoire qui réalisent le programme d'observation (préalablement
accepté par l'ESO) commandé par un astronome (absent de
la montagne), et cela, en fonction de l'urgence, de la position de l'objet
à observer, de la qualité du ciel (" seeing ", transparence
du ciel), etc. Dans ce groupe, ce sont les " télescopes opérateurs
" qui pilotent les télescopes (ouverture des coupoles, pointage
du télescope, réglage de l'optique active, etc.) alors
que l'astronome se concentre plus sur l'objectif scientifique et le
déroulement des observations.
Le trajet jusqu'au sommet, sous un ciel bleu à faire mal au yeux,
permet de contempler le paysage étonnant, au relief très
doux et complètement désertique malgré l'océan
si proche (12 km à vol d'oiseau), souvent recouvert par une mer
de nuages. Les coupoles grossissent à vue d'oeil et le terminus
se trouve au niveau du bâtiment qui abrite les bureaux des ingénieurs,
des astronomes et la très grande salle de contrôle des
4 télescopes et de leurs instruments.
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Le
bâtiment qui abrite les bureaux des ingénieurs et
des astronomes ainsi que la salle de contrôle
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A
droite, la zone de contrôle de Antu et à gauche celle de
Kueyen, les deux télescopes actuellement en opération
avec chacun deux instruments. C'est ici que, de jour comme de nuit,
les astronomes s'affairent dans leurs tâches quotidiennes.
En fin d'après-midi, les astronomes de nuit et les télescopes
opérateurs, après une nuit parfois brève (en hiver),
arrivent dans la salle de contrôle. Arrive alors le moment le
plus magique de la journée : après avoir gagné
la plate-forme des télescopes, si l'emploi du temps le permet,
on assiste au superbe coucher de soleil sur l'océan qui s'accompagne
du réveil des quatre géants. Tout en tournant sur elles-mêmes,
les coupoles s'ouvrent dans un silence étonnant et laissent entrevoir
les imposants télescopes qui dansent un ballet compliqué.
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La
plate-forme avec les quatre UTs
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Les
couleurs changent, l'ombre de la terre monte dans le ciel à l'est,
les premières étoiles apparaissent. On guette le rayon
vert… Tout de tubes, de verre et d'électronique, ces étranges
machines de haute technologie pointent déjà une cible
dans le ciel. La nuit tombe vite et la Voie Lactée, incroyablement
brillante, traverse le ciel de part en part. Sous le ciel le plus beau
du monde, les étoiles ne scintillent pas. Une nouvelle nuit de
quête des mystères de l'Univers peut commencer au VLT …
Coucher
de Soleil à Paranal
Photos
: crédit ESO
La
grande aventure de l'ESO : http://europa.eu.int/comm/research/news-centre/fr/pol/01-09-pol04.html#box02
Paranal Observatory : http://www.eso.org/paranal/
Galeries photos : http://www.eso.org/outreach/gallery/vlt/
http://www.eso.org/outreach/info-events/ut1fl/otherimages.html
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