Le cratère d'impact HAUGTON, un générateur biologique par phase thermique?

Depuis 1999, une équipe de scientifiques menés par Dr. Pascal Lee, scientifique du projet MARS au centre de recherches de la NASA a occupé un nouvel emplacement terrestre ayant des caractéristiques géologiques et environnementales fort semblables à la planète rouge: le cratère d'impact de la météorite de Haughton de 20 kilomètres de diamètre et ses environnements sur l'île du Devon , dans le haut Arctique canadien.

L'île du Devon est la plus grande île inhabitée sur terre, avec une superficie de 66.800 km2. Sa géologie présente deux aspects principaux: des roches sédimentaires marines paléozoïques (cambrien à dévonien) à dominance de carbonates (dolomite et pierre à chaux) faisant partie de la plateforme arctique et un sous-sol (gneissique) cristallin précambrien qui fait partie du bouclier canadien. Le plateau principal caractérisant la surface de l'île du Devon est une vieille surface d'érosion (pénéplaine) exposant des sédiments d'âge croissant vers l'est.
L'île du Devon est située à 1.600 kilomètres du Pôle du nord, 320 kilomètres à l'ouest du Groenland et à 2.735 kilomètres au nord de la frontière des USA . Elle se trouve à 75 degrés nord, davantage au nord que le point le plus au nord de l'Alaska.

Les secteurs côtiers de d'île se déclinent en falaises, vallées et fjords glaciaires profonds occupés par la glace pendant le dernier maximum glaciaire (10.000 à 8.000 ans). Une chape représentant un reste des glaciations occupe toujours le tiers est de l'île. Le reste de l'île du Devon présente une surface rocheuse stérile incisée par les vallées, des réseaux collatéraux d'eaux de fonte, et une myriade de petits lacs.

Quelques éléments déterminants pour le choix de Haugton

Haughton se situe dans un désert polaire, froid, relativement sec, venteux, avec des conditions biologiques extrêmes. Tandis que l'île du Devon est plus chaude et plus humide que Mars (ainsi que tous les autres emplacements analogues de Mars sur terre), ce désert polaire pourrait être apparenté au premiers temps de Mars, quand des conditions auraient pu être plus humides et peut-être plus chaudes.

Une variété de vallées faites de réseaux complexes des canaux aux gorges profondes dissèquent le paysage d'Haughton. Plusieurs types de vallées ressemblent à celles vues sur Mars. L'étude de ces formations sur l'île du Devon peut fournir des indices sur la genèse des vallées martiennes et le devenir de l'eau.

Le centre du cratère accueille un type très peu commun de terrain fait de brèche : au cours de l'impact des roches pulvérisées ont été propulsées vers le haut, puis sont retombées dans le cratère en empilements monumentaux. Ces fragments ressoudés ensemble sous la chaleur intense de l'impact forment ce que l'on appelle la « brèche d'impact ». Cette brèche est fort semblable à la « régolite » qui constitue à l'heure actuelle la couche superficielle de la plupart des planètes sujettes aux bombardements météoritiques. La ressemblance s'accentue encore par l'imprégnation entre cette brèche et le « pergélisol » (amalgame terre-glace), présent en abondance sur Mars.

 

Les équipes scientifiques vont de surprises en surprises...

•  Apocalypse arctique

La comète ou l'astéroïde qui a créé le cratère il y a 23 millions d'années faisait environ 2 km de diamètre. D'après Gordon Osinski, un géologue à l'université du Nouveau Brunswick, entre70 et 100 milliards de tonnes de roche a été excavé du cratère juste après l'impact.

Après que le cratère ait été excavé, il était si profond que ses murs se sont effondrés vers l'intérieur. L'impact a rompu les roches mères, créant une série de défauts et failles qui rayonnent tout autour et loin de l'emplacement d'impact. La chaleur du souffle a créé les cheminées hydrothermiques où l'eau, par des geysers a jailli à partir des bords du cratère.

L'accident a provoqué une extinction immédiate de toute forme de vie sur plusieurs centaines de km². L'examen des couches fossiles prouve que l'emplacement a été peuplé avec le pin et les arbres à feuilles caduques, les lapins géants et une espèce de petits rhinocéros. C'est tout à fait une curiosité si l'on considère qu'il y a 23 millions d'années, l'île était déjà haute dans l'Arctique et connaissait l'alternance entre une longue saison estivale sans nuit et l'hivernale plongée dans l'obscurité permanente.

Peu après le cratère d'impact s'est rempli d'eau et les couches sédimentaires se sont accumulées. L'étude de ces sédiments a fourni d'intéressants indices sur les variations climatiques qui s'en suivirent. Les biologistes ont aussi recherché des fossiles dans les sédiments du lac afin d'apprendre comment les astronautes ou les robots devront procéder dans des dépôts analogues sur Mars.

•  Une source de Vie

Les passages hydrothermiques créés lors de l'impact présentent un grand intérêt puisque les deux ingrédients principaux de l'environnement prébiotique, la chaleur et l'eau sont ici réunis comme au sein d'une oasis. Si les géologues peuvent trouver sur Haughton un modèle pour Mars, ils pourraient plus facilement cibler leur recherche de sites biologiques.

Haughton fournit également une occasion d'étudier la quantité de chauffage des premières eaux du lac par l'activité hydrothermique-induite de l'impact. Dans les environnements froids de ce type, la chaleur libérée à l'emplacement d'un cratère peut produire ce qui s'est appelé une « phase de biologie thermique », un épisode du développement biologique possible seulement sous les températures chaudes juste après un impact.

Et précisément sur le bord du cratère les biologistes ont eu la chance de découvrir autour des « hydrothermal pipes » , l'équivalent des fumeurs noirs océaniques, des traces fossiles d'une intense vie microbienne. Après l'impact les jets hydrothermaux ont jailli à 250°C et ont entretenu les « oasis biologiques » durant quelques dizaines de milliers d'années. Simultanément les espaces créés au sein de la roche-mère granitique servirent de refuge à la vie microbienne sur un substrat minéral.

Les chercheurs ont examiné la couverture de végétation, l'abondance microbienne et de nématodes dans le désert polaire et dans les 38 micro-oasis du cratère d'impact de Haughton. Les recherches se sont étendues entre les terrasses alluviales le long du fleuve de Haughton et au sein de la brèche déposée dans le cratère. Les terrasses alluviales ont une couverture de végétation qui s'étend de 2 à 11% selon la disponibilité de substrat et de l'eau. La couverture de végétation sur la brèche est inférieure. Les nombres microbiens et de nématode étaient un ordre de grandeur plus grand à l'intérieur des micro-oasis comparées à l'extérieur. Ces micro-oasis sont aussi souvent dominées par une espèce particulière.

En conclusion, bien que l'impact soit généralement synonyme d'extinction locale on peut d'ores et déjà revoir en partie la thèse de « l'astéroïde tueur » : la création post-impact en bordure du cratère de sites comprenant l'équation Eau + chaleur + niches dans le substrat + accès aux minéraux permet également de décerner à ce type d'astéroïde le titre de « régénérateur biologique ».

Retour à la page Astronomie