Choisir
son premier instrument
Maurice Colot, Emmanuel Jehin et Jean-Luc Dighaye
La
question qui revient le plus souvent dans la bouche des personnes qui
viennent à notre rencontre pour la première fois, c'est
: " Quel est le meilleur instrument pour l'observation ? ".
C'est une question à laquelle il est bien difficile de répondre
! Voici mon point de vue sur le sujet.
Un télescope
universel ?
Tout d'abord, il faut se rendre à l'évidence : il n'y a
malheureusement pas d'instrument universel
c'est-à-dire qu'il
n'y a pas d'instrument idéal qui vous permettrait de TOUT observer
avec un maximum d'efficacité
et si possible pour un prix
dérisoire ! Il existe sur le marché de très nombreux
types de télescopes, lunettes, jumelles, etc. et chacun d'eux ont
leurs points forts et points faibles. Les prix sont également très
variés, de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros
voire dizaines de milliers d'euros ! Le prix augmente en fait très
vite en fonction du diamètre de l'instrument (toujours plus de
1000 euros pour 20 cm de diamètre et plus). Mais n'oublions pas
que nous sommes des amateurs !
On devrait
donc plutôt définir " le meilleur " instrument
comme celui qui vous permettra d'observer ce dont vous avez
envie, dans la mesure de vos moyens. En tous les cas, le meilleur
conseil que l'on peut vous donner, si vous voulez bien débuter,
c'est de prendre votre temps avant de décider de l'instrument de
vos rêves et ainsi évoluer à votre propre rythme avant
de faire votre choix. Venir au club et poser vos questions, voir nos télescopes
et les essayer est primordial.
Pour vous aider, voici les premières questions à vous poser.
Que voulez-vous
observer ?
En général... au début, un peu de tout,
mais
encore ?
La Lune et les planètes (éventuellement le Soleil mais attention
danger !) ?
Ou alors vous êtes plutôt fasciné par les galaxies,
nébuleuses et autres objets dits du ciel profond ?
Ou alors les étoiles filantes ? Dans ce cas, c'est facile ! aucun
instrument n'est nécessaire.
Non, ce qui vous intéresse c'est de donner votre nom à un
astéroïde ! Là, malheureusement, le chemin est probablement
encore long
vous débutez, n'oubliez pas
alors commencez
par le début et armez-vous de patience car vous devrez passer pour
cela à un niveau où l'équipement ne se limitera plus
seulement à un télescope puissant mais aussi à un
détecteur très sensible Mais ça, c'est une autre
histoire !
Quel
est votre budget ?
La qualité d'un instrument a un prix. Le principe d'une lunette
ou d'un télescope est que plus le diamètre est grand, plus
il collecte de la lumière et donc plus vous pourrez observer des
astres plus faibles (souvent plus lointains), avoir une meilleure résolution
(une image plus nette) et donc grossir plus les planètes. Comme
nous l'avons dit, c'est d'abord le diamètre qui détermine
le prix.
Pour les
petits instruments d'initiation, évitez à tout prix
les publicités qui proposent des instruments dont les grossissements
sont plus de 2 x le diamètre de l'objectif (ou miroir) en millimètres
! Soyons clair : ce ne sont que des mensonges !
Exemple : on voit souvent dans les grands magasins où l'on trouve
de tout (pour le bricolage par exemple), ou des magasins de jeux, etc.
des petites lunettes de 60 mm de diamètre, pour lesquelles on fait
miroiter des grossissements de 400 à 800x
alors qu'au mieux
120x est le maximum possible
et encore
sur la Lune uniquement
(vu sa brillance) ! Au-delà en effet, vous n'aurez jamais qu'une
image très médiocre du au faible diamètre. De plus,
ces lunettes ont des lentilles de plastique de piètre qualité
conduisant à des images toujours décevantes.
Où
acheter un télescope ?
Lorsque vous aurez pu voir et essayer différent types d'instruments
au club et que vos idées deviendront plus claires, nous vous conseillons
de vous rendre dans les magasins spécialisés. Pour les télescopes
de petites tailles (en dessous de 80 mm), il est tout à fait possible
de trouver des offres intéressantes chez certains opticiens non
spécialisés en astronomie. Attention cependant à
ne pas confondre les lunettes astronomiques (ou télescopes) qui
fournissent des images inversées, avec les instruments qui servent
à l'observation terrestre et qui contiennent, eux, différents
éléments optiques pour redresser les images (ce qui entraîne
notamment une perte de luminosité et un surcoût).
Pour des instruments plus importants (au-dessus de 10 ou 15 cm), nous
vous conseillons très fortement d'aller chez les vendeurs spécialisés
en matériel astronomique. Il existe très peu de spécialistes
en Wallonie (voir nos annonceurs) mais le déplacement en vaut toujours
la peine. Vous aurez une vue d'ensemble sur les prix, vous pourrez comparer
directement les différentes qualités et découvrir
les derniers modèles. Il existe maintenant une panoplie d'instruments
de petites tailles offrant des rapports qualité/prix intéressants.
Par exemple, dans les marques Bresser et Helios (dans les 300 euros pour
des télescopes Newton de 10cm ou des lunettes de 60 à 70
mm). Il y a aussi les incontournables Vixen, Meade et Celestron, mais
ce sont des instruments plus haut de gamme toujours plus onéreux
(minimum 600 euros), ce qui ne se justifie pas toujours pour un premier
instrument, par exemple pour un enfant.
Les jumelles
: des qualités indéniables !
Et puis si vous avez peur que votre lunette reste au grenier, il existe
quand même un instrument polyvalent, qui vous permettra de prendre
plaisir tant dans l'observation des objets terrestres que célestes.
Ce sont les jumelles.
On pense rarement à les utiliser en astronomie. Elles sont cependant
toujours utiles et c'est une suite logique à l'apprentissage du
ciel à l'il nu. Elles ont des avantages indéniables
: légères et maniables, elles sont d'utilisation bien plus
simple et sont bien plus faciles à transporter qu'une lunette ou
un télescope. D'un point de vue optique, elles offrent une vue
à l'endroit, un grand champ de vision, une luminosité imbattable
et de plus, on utilise les deux yeux, ce qui améliore fortement
le confort visuel. Leur principale application ne sera donc pas de grossir
les astres (les grossissements ne dépassent pas les 20x), mais
plutôt d'observer les objets très étendus.
C'est l'instrument idéal pour se " promener " dans la
Voie Lactée et suivre les zones denses en étoiles ou riches
en poussières (régions sombres), observer les grands amas
ouverts comme les Pléiades, les conjonctions entre la Lune et les
planètes, les mers lunaires. Elles sont de plus très appréciées
pour un premier repérage d'un astre (on dit souvent " objet
") comme un petit amas, une comète parmi les constellations
avant leur pointage au télescope.
On oublie aussi trop souvent que beaucoup des fameux objets de Messier
(comprenant des amas, des nébuleuses, des galaxies, etc.) sont
visibles dans une simple paire de jumelles ! Bien sûr, l'aspect
sera dans la plupart des cas assez faible et nébuleux mais le plaisir
de la découverte est le même qu'avec un instrument plus important.
Les jumelles
: un bon investissement !
Un autre avantage des jumelles est un coût généralement
plus faible. On trouvera par exemple de bonnes 7x50 (7x est le grossissement,
50 le diamètre des objectifs en mm) pour 100-150 euros. Notons
que le modèle 7x50 est le plus répandu et qu'il convient
parfaitement pour l'astronomie. Le champ de telles jumelles est de 7 à
8 degrés, ce qui correspond de 14 à 16 fois le diamètre
de la pleine lune.
Un point
apparemment négatif des jumelles est qu'elles ont un grossissement
fixe. Mais comme nous l'avons dit ci-dessus, n'oublions pas que le but
des jumelles n'est pas de fortement grossir comme dans un télescope
! Impossible en effet avec les jumelles de voir le diamètre des
planètes telles Jupiter et Saturne, ou les cratères de la
Lune avec beaucoup de détails. On fera donc attention de ne pas
se laisser tenter par les modèles avec zoom qui ne permettront
de toute façon jamais de voir de tels détails. Pire, le
champ de vision sera réduit, et la luminosité chute fortement
faisant perdre tout l'intérêt des jumelles pour l'astronomie.
Exemple : pour des 8-24x50, le grossissement va de 8 fois à 24
fois pour un diamètre de 50 mm, ce qui nous donne des " pupilles
de sortie " (voir ci-dessous) de respectivement environ 6 (50/8)
à seulement 2mm (50/24).
Les objectifs
et les oculaires des bonnes jumelles possèdent un traitement antireflet.
Cela leur donne un aspect le plus souvent bleuté ou vert sombre.
Evitez par contre les optiques traitées orangé vif ou rouge
rubis : l'intérêt n'est qu'esthétique (et encore!),
cela diminue la luminosité et fausse les couleurs des étoiles
!
Quel modèle choisir ?
Pour
que des jumelles soient vraiment utiles en astronomie, il faut qu'elle
collectent suffisamment de lumière, donc que le diamètre
de leurs objectifs soit d'au moins 50mm.
Cela exclut les " jumelles de théâtre ", petites
jumelles droites dont les oculaires sont des lentilles divergentes, ce
qui entraîne d'ailleurs un rétrécissement du champ
et un grossissement utile ne dépassant pas 4x, tout autant que
les jumelles pliantes.
Mais il
faut aussi que le rapport du diamètre des objectifs au grossissement,
qu'on appelle " pupille de sortie " (c'est en effet le petit
cercle lumineux que l'on voit par les oculaires quand on tient les jumelles
à bout de bras) soit le plus proche possible du diamètre
des pupilles de l'observateur dans le noir. Ce diamètre peut atteindre
7mm chez un sujet grand et jeune ; mais, à l'âge de 60 ans,
il atteint rarement 5mm. Une pupille de sortie plus grande que celle de
l'il est inutile ; une pupille plus petite correspond à un
grossissement plus fort mais à une luminosité moindre.
Résumons-nous
: si vous êtes grand(e) et jeune, les jumelles les plus adaptées
sont du type 7x50
10x70
14x100 - toutes celles dont le rapport
diamètre/grossissement vaut environ 7mm. Sinon, la série
10x50
14x70
20x100 à pupille 5mm vous conviendra
mieux. Il n'est pas impératif de s'en tenir rigoureusement à
ces valeurs : par exemple, des pupilles de 4 à 6mm feraient aussi
l'affaire.
Il y a encore
un critère pour les porteurs de lunettes: lorsque vous les portez,
vous devez pouvoir observer tout le champ des jumelles. Vérifiez-le
à l'achat, comparez plusieurs modèles. Dans les jumelles
bon marché, la qualité varie d'une paire à l'autre
: si le revendeur en a plusieurs du même type, essayez-les toutes
et prenez la meilleure !
A partir
d'un grossissement de 10x, vous aurez besoin d'un appui afin d'avoir une
image stable - à moins d'acheter des jumelles stabilisées
qui compensent les tremblements (Canon, Fujinon, Zeiss), mais elles sont
excessivement chères. De même si le diamètre dépasse
60mm, à cause du poids des jumelles. Il existe des adaptateurs
qui permettent de fixer vos jumelles sur un trépied ou monopied
photo. Certains observateurs préfèrent s'allonger sur une
chaise-longue pour ne pas comprimer la nuque en regardant en l'air, ce
qui nuit à l'afflux de sang au cerveau. (Il y a d'ailleurs des
jumelles astronomiques coudées qui évitent ce désagrément).
N'oubliez pas non plus de respirer lorsque vous observez, et évitez
les gros repas bien arrosés !
Comme pour
un télescope, plus le diamètre d'objectif est grand, mieux
vous pourrez voir et détecter les astres faibles
et plus
les prix seront élevés : pour de bonnes jumelles de 80 ou
100mm, il faut compter minimum 800 euros. Le nec plus ultra en la matière,
ce sont les Miyauchi et les Fujinon, par exemple les fameuses 25x150
pour
le prix d'une petite automobile !
Sources
:
Bulletins du GAS n° 14 et 31.
Guide du matériel d'astronomie, éditions Bordas.
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